Ses mouvements scéniques se dessinent telle une architecture, une expression corporelle qui s’ouvre au public vers une dimension mimique en libérant une sensation de l’importance du travail pour une vie d’indépendance.
Par David Kasi

Luanda Hangi Bienfait est un chorégraphe, professeur de danse, un entrepreneur culturel, un animateur de centre de culture et un auteur dramatique congolais vivant à Goma, à L’Est de la République Démocratique du Congo. Pour lui, être danseur signifie incarner les récits qui peuvent changer les perspectives et créer un changement social positif. Il sera parmi les congolais à participer à la prochaine Biennale internationale de danse en Côte d’Ivoire au mois d’Aout prochain. On s’est rencontré avec lui sur son espace de préparation.
À travers la danse chorégraphiée, il raconte les histoires auxquelles il pense que le monde devrait prêter attention. Voilà en une phrase ; la raison principale de danser pour Bienco.
« Par les mouvements du corps, je prends position contre les problèmes tels que l’injustice, la violence, le colonialisme et le racisme. Qu’il s’agisse de danse traditionnelle, contemporaine ; fusion ou hip-hop, il y a toujours un message et une raison plus profonde pour laquelle je danse. Je me bats pour le changement », renchéri-t-il.
Parmi le « old school » de danseurs de la ville de Goma
32 ans, Bienco est danseur depuis 2007. Il a construit son identité artistique en participant dans plusieurs formations de danse. Dans sa région natale, la ville volcanique de Goma, il n’y a aucune école spécifique de danse. Lui, comme ses compères, profite depuis plus d’une décennie des formations tenues dans la région de grands lacs pour s’expérimenter et ainsi inculquer cette attitude à la nouvelle génération de danseurs.
Malgré son parcours long comme un bras et auréolé des réalisations en RDC comme en dehors, Bienco ne veut pas se lasser. « Aujourd’hui je me considère toujours en début de carrière. Cette attitude me permet de travailler encore dur pour atteindre me objectifs », nous souligne-t-il en forte voix avant de remonter le temps. La danse et lui est une histoire d’amour qui a débuté depuis le fœtus de sa mère, Lushobe.
« On n’a pas fait la rencontre avec la danse, on est venu ensemble sur la terre. C’est quelque chose avec laquelle je suis né. Si ne je danse pas, je ne vis pas » ; continue-t-il sur le même ton.
Lui qui rêve initier son propre style de danse, la « danse Bantu » ; ce style qui sera « un condensé de tous les styles de danse africains et toutes les traditions du continent noir », veut dépasser un autre palier dans sa carrière. Son voyage pour la Cote d’Ivoire, pour aller représenter « fièrement » la RDC est l’un de ses plus grands objectifs. Depuis un mois, il est en résidence de la pièce « la folie qui pense » qui sera jouée durant son périple.
« La folie qui pense » pour changer le narratif du Congo au niveau africain en premier
Le désir et l’amour du pouvoir chez certains hommes font place à une haine très avancée et conduit le peuple vers des situations fâcheuses. Une vie guidée par instinct naturel et l’histoire contée. Une rencontre des différences loin de l’extrémisme qui fait une force pour la reconstruction des valeurs humaines pour préserver l’égalité humaine ; c’est le script de cette pièce.
« La folie qui pense » met en lumière l’importance de la coexistence pacifique, de la défense des intérêts des jeunes et du rôle des artistes – en particulier des danseurs contemporains- dans les efforts de la consolidation de la paix dans la province du Nord-Kivu , Est de la RDC.
La pièce sera présentée en premier en ville de Goma le 17 juillet, probablement au festival « Ngoma » de Kisangani avant la Cote d’Ivoire dans le cadre du BIDCIV.
La Biennale Internationale de la Danse en Côte d’Ivoire est une plateforme de rencontre et d’échange entre professionnels, étudiants et amateurs autour de la danse qui se tiendra du 27 Aout au 12 Septembre 2021. Plus qu’un simple festival, elle place en son cœur des enjeux de formations et elle sera l’aboutissement de projets de coaching à destination de danseurs-ses- chorégraphes ivoiriens et africains. Elle s’articule autour de 4 rubriques : accompagnement chorégraphique et suivi, spectacles, journées scientifiques, stage technique et d’initiation à la chorégraphie.
Cette messe culturelle étant un pont qui aide plusieurs cultures à se rencontrer pour parler de leurs différences, Bienco en mode « fou » aura un message bien précis à véhiculer.
« Pour transmettre un message sans vergogne, il faut être fou. Je me suis dit que je dois être un fou pour dire ce que je pense parce que avec la folie on ne peut rien contrôler. Cela va permettre à mon entourage de prendre conscience de dénoncer ce qui ne vas pas dans la société », s’est-il justifié. À lui de poursuivre : « Nous avons besoin de vendre le Congo positif. On doit stopper avec les images dégradantes de la RDC. À travers cette pièce, je partirais véhiculé cette autre image stéréotypée de mon pays ».
La Coté d’Ivoire n’est pas le seul pays qui accueillera la pièce. Bienco va aussi participer dans le festival « Fekat Circus » à Addis-Abeba ; en Ethiopie, du 10 au 24 octobre 2021. Il devra travailler sur la chorégraphie d’un projet de danse avec des adolescents et des jeunes adultes handicapés et malvoyants. Mis en scène par Malick Mustafa, ce projet a pour but de générer une nouvelle énergie et une inspiration à travers la danse que ces jeunes adultes peuvent ensuite utiliser dans leurs futurs projets de vie. Dans l’idée d’avancer à l’unisson par la danse, le slogan de ce projet est « un pas pour l’unisson, sans paroles ».
Pour parvenir à atteindre ces objectifs, Bienco Matrix se confronte à un obstacle de taille. Malgré que les organisations qui lui ont invité couvriront certaines dépenses, elles ne seront pas en mesurer de couvrir les billets d’avions et d’autres frais connexes. « Je pense qu’une partie de mon rôle et de ma responsabilité en tant que danseur consiste à être visible et à partager mes créations artistiques avec divers publics congolais et dans le monde, je vous demande de m’aider à le faire » ; conclut-il notre entretien.
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