Depuis près de deux ans, des femmes et jeunes filles sont comptées parmi des milliers des déplacés de la guerre du M23 dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. Dans les différents camps de déplacés érigés autour de la ville de Goma, hommes et femmes, enfants, jeunes et vieillards sont entassés dans des petits abris dérisoires aux conséquences tragiques.

Pendant trois mois, l’organisation féminine Women Power a mené une enquête sur des cas de violences graves faites aux femmes et aux jeunes filles dans le camp de déplacés de Bulengo au Sud-ouest de la ville de Goma. Des cas de viols en masse aux avortements non sécurisés en passant par des cas de stigmatisation et plusieurs autres violances basées sur le genre, Woman Power a récolté des témoignages choquants auprès des femmes et jeunes filles qui vivent des cauchemars dans le camp de Bulengo. Ce vendredi 28 juillet 2023, une dizaine de témoignages ont été projetés devant des acteurs œuvrant dans le secteur de la santé sexuelle et reproductive au cours d’une table ronde organisée en ville de Goma.
Des témoignages choquants !
L’exercice a consisté en un exposé des témoignages recueillis sur le terrain et en des travaux de groupes pour sortir des recommandations. En ce qui concerne les témoignages, des jeunes filles ont été victimes de viols à la recherche de survie suite aux conditions difficiles dans les camps. D’autres se sont fait violer par des rebelles alors qu’elles fuyaient les hostilités dans leurs milieux. Des ces actes ignobles sont nés des grossesses indésirables dont les victimes ne connaissent pas exactement les responsables. Désespérées, certaines jeunes filles décident d’avorter clandestinement avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. Parmi les cas enquêtés, une jeune fille tombée enceinte de son frère biologique à cause de la promiscuité dans le camp de Bulengo. Couverte de honte et de traumatisme, la pauvre âgée de 19 ans, elle ne sait pas choisir entre avorter ou garder la grossesse pour ne pas pêcher contre les croyances rétrogrades qui considèrent l’avortement comme une abomination. Des cas de grossesses précoces sont aussi répertoriés à Bulengo par Women Power.

À 17 ans, une victime en situation de déplacement a eu une grossesse non désirée à la suite d’un viol. Elle ne savait malheureusement pas que les avortements sûres et sécurisés sont légaux dans les circonstances qui sont siennes. Suite aux conditions hygiéniques inadéquates, plusieurs femmes et jeunes filles sont victimes des infections dans le Camp de Bulengo. Les recommandations formulées par des acteurs invités par Women Power Les droits axés sur la santé sexuelle et reproductive posent encore problème dans une communauté où les cultures et croyances anciennes l’emportent largement.

Parmi les recommandations formulées par les participants à la table ronde, la vulgarisation du protocole de Maputo qui entend protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus. En effet, la RDC avait adopté en 2018 le Protocole a la Charte Africaine des Droits de l’homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique (appelé fréquemment « Protocole de Maputo ») qui est le principal instrument juridique de protection des droits des femmes et des filles. Cependant, des acteurs œuvrant dans le secteur ont suggéré à Women Power d’adhérer à la démarche visant à amener le parlement congolais à adopter une loi complémentaire sur les droits axés sur la santé sexuelle et reproductive. Dans le contexte de crise sécuritaire dans l’est de la RDC qui expose des femmes et jeunes filles aux violences basées sur le genre, les participants ont unanimement évoqué la nécessité du rétablissement de la paix par le gouvernement congolais afin de permettre à tous les déplacés de regagner leurs milieux naturels où ils sont moins exposés. À côté de cette solution durable, la sécurité des femmes dans les camps, la mise en place des structures de santé pour les soins appropriés et l’instauration des mesures de sanctions contre les auteurs des actes de viol par le biais d’une clinique juridique locale, c’est entre autres solutions à court et à moyen terme recommandées au gouvernement congolais et ses partenaires. Des femmes enceintes, des jeunes filles, des enfants et des adolescentes vivent actuellement dans une précarité extrême dans le camp de Bulengo ainsi que dans plusieurs autres centres. Si les besoins humanitaires ne cessent d’augmenter, les soins de santé sexuelle et reproductive, la lutte contre les exploitations et abus sexuels fait partie des grands fléaux dans les camps des déplacés qui ont fui les affrontements entre les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et les rebelles du M23. Women Power à travers son enquête, et les témoignages poignants qui en résultent, participe déjà à la recherche des solutions adaptées grâce aux recommandations qui vont arriver, à coup sûr, auprès des décideurs congolais et organisations internationales œuvrant dans le secteur.